« Le consommateur, et non l’entreprise, est au centre [du business] ». Cette citation n’est pas tirée d’une récente conférence d’un gourou du marketing, il s’agit de la toute première phrase d’un article de Robert Keith dans le Journal of Marketing. On pourrait qualifier cette affirmation de poncif, tant cette phrase a été prononcée maintes fois par les marketeurs, tout au long de ces dernières années. Sauf que l’article de Robert Keith ne date pas de l’année dernière, mais de 1959, soit il y a tout juste 60 ans ! L’auteur décrit dans cet article intitulé « Marketing Revolution » un changement de paradigme. De la même manière que l’on a découvert au 16e siècle que la terre n’était pas au centre de l’univers, mais qu’elle tournait autour du soleil, il découvrit alors que l’entreprise n’est pas au centre du business, mais que celui-ci tourne autour du client. Le changement de place du client n’a donc rien à voir avec les bouleversements vécus par le marketing ces dernières années, comme on peut le lire ici où là : le client a en fait toujours été au centre du business. On pourrait même ajouter que Keith non plus n’a rien inventé et qu’Aristide Boucicaut avait déjà, avec son précepte du client roi, posé les fondements du marketing moderne, peut-être mieux que ce que l’on en voit aujourd’hui.
Pourquoi cette mode récente du client au centre du business ?
Mais alors pourquoi a-t-on oublié ce principe sexagénaire, et pourquoi revient-il à la mode ces derniers temps ? Pourquoi les entreprises, pour la plupart, sont-elles loin de maîtriser cette règle, et quels réflexes doivent-elles adopter pour remettre une bonne fois pour toutes le client au centre de leur stratégie marketing ?La technologie promet beaucoup, mais ne fait pas tout
Avec l’émergence des Big Data (appelées « mégadonnées » en bon français), les technologies du marketing ont fait un pas de géant. Nombre d’entreprises ont profité de la possibilité d’avoir accès à une masse de données toujours croissante pour adopter une nouvelle façon de voir et aborder le client à travers une multitude de canaux. Preuve de l’importance de ces données, selon Gartner, le domaine où les marketeurs ont le plus investi dans le but d’améliorer l’expérience client est l’analyse des données (56%), devant la gestion des processus métiers(44%), et la VOC (voice of customer) (42%). Devant l’appétit des marketeurs pour ces précieuses données, le nombre de solutions technologiques n’a cessé d’augmenter ces 10 dernières années, et les outils de se diversifier : CDP, DMP, CRM, Analytics… Il faut dire que le chiffre d’affaires généré par ces outils ne faiblit pas. De 6 milliards de dollars en 2011, le chiffre d’affaires mondial des solutions de Martech a atteint 14 milliards de dollars en 2017. Ces tableaux colorés sont bien jolis, bien qu’ils soient illisibles, mais les aborder sans connaître les bases du marketing, même les plus élémentaires, est la garantie de perdre de vue l’objectif de l’entreprise. En effet, une étude de Gartner parue en 2019 nous indique que seulement 46% des marketeurs interrogés ont établi des modèles de parcours clients (customer journey map) dont ils se servent pour améliorer l’expérience client. Près d’un tiers éprouve de grandes difficultés à utiliser leur modèle de parcours client afin de définir les priorités dans l’amélioration de l’expérience client. Ajouter de la technologie sur des bases instables revient à construire sa maison sur du sable. Je le disais il y a peu sur ce blog, le robot ne remplacera pas le marketeur, car il n’est pas fait pour prendre des décisions stratégiques : les outils doivent être utilisés intelligemment pour effectuer des tâches basiques et redondantes. La technologie ne fait pas tout, oublier cela et l’adopter sans réfléchir revient à perdre de vue l’objectif.