Un commercial doit-il encore se déplacer pour aller voir ses clients et ses prospects, ou doit-il se dévouer corps et âme au « social selling » ? Je pratique le social selling, comme Monsieur Jourdain, depuis bien longtemps. Pourtant, je répondrai à cette question, sans équivoque, par la négative. J’ai en effet l’impression que le monde du marketing et du commerce est récemment devenu fou : on y confond social selling et casse-pieds sur les médias sociaux.
Si, selon Mark Schaefer, les marketeurs ont le chic pour utiliser la technologie afin de casser les pieds à des clients plus vite et plus fort, je dois avouer que les récents développements du social selling me font plus que réfléchir à la pertinence de nos métiers, à notre éthique, à notre place dans la société et à notre image. Mais aussi à ce qu’est la vente / ce qu’elle n’est pas, et finalement à la réelle définition du social selling lui-même. Voici mes quelques réflexions sur le sujet, et mes conseils aux vendeurs, aux directions commerciales et aux marketeurs qui n’auraient pas encore complètement perdu la tête.
Je pourrais continuer ainsi toute la journée. Et encore, j’ai cessé d’être un client il y a cinq ans et malgré cela, je n’ai jamais été autant ennuyé sur les médias sociaux et principalement LinkedIn. Les solutions proposées sont certainement intéressantes et résoudraient assurément un grand nombre de problèmes. Mais ici, le commercial, par son insistance et le caractère inapproprié de ses méthodes, finit par desservir le produit qu’il vend.
Cela n’est d’ailleurs pas nouveau, Jeffrey Gitomer a depuis toujours édicté comme loi que « les acheteurs adorent acheter, mais détestent les vendeurs ». D’un côté, certaines techniques traditionnelles comme les appels à froid se montrent désormais moins efficaces : on estime en effet à 1% le nombre d’appels qui débouchent sur un rendez-vous. Il ne faut pas en déduire pour autant qu’aller voir des clients est inutile, car sans visites, il n’y a pas de ventes.
D’un autre côté, d’autres méthodes comme le marketing de contenu ont le vent en poupe : le Content Marketing Institute indique qu’il serait 3 fois plus efficace que l’outbound marketing. Pour autant, cela ne veut pas dire non plus que le but d’un commercial est de rester derrière un ordinateur à cliquer sur des partages, et encore moins de bombarder LinkedIn de contenus pré-mâchés par d’autres personnes.
C’est encore une fois confondre l’outil pour la fonction, la technologie pour son utilité, et surtout prendre la vente pour de la communication. Ce n’est donc pas à cause du téléphone que les décideurs ne décrochent plus, mais du fait des importuns. C’est ce qui les pousse à filtrer de plus en plus, ce qui est compréhensible.
La solution n’est donc pas de supprimer la vente ni les visites clients, bien au contraire. C’est la montée en gamme des commerciaux et l’alimentation des forces de vente en matériau profond et de qualité par le marketing, au travers des books de vente, dont nous avons parlé précédemment. C’est cela la vraie signification du rapport de Forrester sur l’évolution de la vente, et non une quelconque interprétation déviante que nous n’avons que trop vue et qui doit cesser.
Ce qu’il faut retenir :
Ne dites pas à ma mère que je suis vendeur …
Quand j’étais encore en école de commerce, Le bouquin à la mode était le livre de Jacques Séguéla : « Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité… » qui louait la belle profession de publicitaire, à la fois fascinante et décriée (99 Fr. en fut la suite logique). La vente elle aussi est un métier qui attire (on peut devenir riche sans avoir besoin d’un bon diplôme), mais qui repousse également. Tous les ans en effet, la France peine à recruter suffisamment de vendeurs. La vente est un métier extrêmement difficile où l’énergie et la proactivité sont indispensables, mais où le lâcher prise est encore plus important. Bien vendre, c’est sans doute prendre le contre-pied du vendeur de savonnettes à la façon Joe Isuzu. Les agissements récents des mauvais vendeurs à la sauce social selling au travers des plateformes sociales (principalement LinkedIn) ne font rien pour redresser cette image désastreuse du commercial. Laissez-moi prendre quelques exemples pour vous le démontrer.Quelques exemples de casse-pieds des médias sociaux
- Le commercial, ou assimilé, qui vous contacte immédiatement après que vous ayez accepté sa demande de mise en relation sur LinkedIn. C’est irritant, surtout si vous n’êtes pas dans la cible.
- Le commercial qui vous débite son argumentaire et vous noie d’informations en copier-coller, parfois sans même prendre la peine de remplacer Monsieur par Madame ou vice versa.
- Troisième exemple, le goujat qui a récupéré votre adresse email par LinkedIn (scraping) après avoir demandé une mise en relation et vous inclut sans vous demander votre accord, dans sa newsletter (en d’autres termes, qui vous « spamme » sans vergogne et au mépris des lois et de l’éthique).

Devenez une vedette de la vente avec le social selling index !
Au-delà de ces mauvaises pratiques, qu’est-ce que le social selling ? Ce que je comprends des discours de certains de ses promoteurs, peut être résumé en quelques mots : « Faire du « Cold Calling » est ringard et inefficace : partager de l’information et attirer le client à soi est bien plus pertinent. Pour cela, il suffit de copier-coller des liens et des messages, ou faire de la curation de contenu (préparée par quelqu’un en central) : partagez, réseautez, les clients afflueront. Ainsi, plus besoin de vous déplacer, plus votre SSI (social selling index) sera élevé, et plus vous serez récompensés. » Je connais des commerciaux de grandes maisons de l’informatique américaines qui ont la pression de leur management pour faire gonfler leur social selling index afin de toucher des primes. Attention alors aux abus : les commerciaux, j’en ai été, sont toujours les maîtres pour contourner les injonctions managériales afin de faire gonfler leurs primes. Pour faire monter son SSI, pas besoin d’être influent, il suffit de s’agiter sans cesse sur les médias sociaux et de suivre la check-list de LinkedIn. D’ailleurs, je suis personnellement assez mauvais à ce jeu. C’est normal, je passe beaucoup trop de temps avec mes clients ou sur leurs missions pour pouvoir créer de l’animation sans fin sur les réseaux sociaux.Les commerciaux sous pression doivent changer de méthode, mais comment faire ?
On observe une forte lassitude des acheteurs en B2B, relevée à juste titre par Forrester dans son rapport de 2015. L’analyste Américain avait même prédit la disparition de certains vendeurs sur le bas de marché, même si les dates avancées étaient optimistes.
Quelques points à noter dans le vrai inbound marketing et le vrai social selling
–En content marketing, il n’y a pas de « cibles » mais des audiences, cette nuance est d’ailleurs inscrite dans la définition-même de ce terme. Les décideurs ne sont pas des lapins qui attendent qu’on leur tire dessus. Plutôt que de « cibles » parlez-donc d’audiences et soyez pertinents. –Le marketing de contenu fonctionne quand il est authentique. Pour fonctionner, le marketing de contenu doit être vrai. Cliquer sur des liens préparés par des robots ne vous aidera en rien à obtenir plus de rendez-vous, bien au contraire. –Le marketing du contenu est un prétexte à voir plus de clients, et non pas à s’en tenir plus distant. Transformer les commerciaux en marketeurs et vice versa, c’est se tromper d’objectif et de méthode. Le marketing doit donc aider le commercial à voir plus de clients, c’est ça le vrai social selling. Le social selling, le vrai, n’est donc pas le fait de cliquer sur des liens qu’on ne comprend pas (voire que l’on n’a même pas lus), pour noyer des canaux Web déjà largement saturés, et qui plus est, dont l’efficacité est volontairement réduite par les plateformes elles-mêmes via leurs algorithmes, afin de protéger leurs utilisateurs et donc leur business.Finalement, qu’est-ce que le social selling ?
Le social selling, au contraire, c’est respecter la tranquillité de ses clients potentiels, leur apporter de la valeur, et utiliser des contenus – authentiques et de qualité – à bon escient pour mieux les servir. Cela permettra de multiplier les contacts clients et non les diminuer : susciter des événements, multiplier les contacts, générer des liens entrants, des appels spontanés, et enfin des ventes. Pour cela, les bons commerciaux ont et auront de plus en plus besoin de voir des clients et des prospects et d’utiliser les techniques de content marketing pour enrichir leurs visiteurs et leurs contacts, et non pour rester derrière un ordinateur.Passer du social selling au book de vente intelligent

- Le social selling ne doit pas être confondu avec du spam
- Le social selling index n’est pas un indicateur fiable, car il y aura toujours moyen de l’optimiser et de le faire gonfler artificiellement
- Le social selling permet d’élargir son carnet de contacts, en vue de prendre un rendez-vous et non de se cacher derrière son ordinateur
- Au final, l’outil aide le commercial, mais ne doit pas prendre le pas sur les méthodes de vente
